L'Héritage des Cendres

De gahan
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L'Héritage des Cendres
(Campagne)
Période
982-?
Lieux
Niveau
1 à ?
MJ
Multiples
Statut
(Active)


Les aventuriers[modifier]

Introduction[modifier]

C’était une année faste pour le commerce. Alric rayonnait : cette fois, c’était lui qui recevait toute la famille au Cœur d’Acier, la forge familiale qu’il dirigeait avec fierté. Les marteaux avaient chanté toute l’année, et la maison vibrait d’une énergie heureuse. Liselle, arrivée depuis peu, apportait encore plus de vie au foyer. Alric la connaissait depuis toujours : il avait aimé sa mère, cette sage-femme de Windmere, dès leur première rencontre. Alors, recueillir la petite Lili avait été une évidence.

Pour ce festin, Alric avait vu grand : deux chapons dodus de chez Renata, des marrons grillés, des pommes de terre en robe des champs, nappés d’un jus de viande savoureux. Et pour le dessert, la fameuse tarte de Téviane, sa sœur, venue avec sa fille quelques jours plus tôt pour profiter du marché aux bestiaux. Tout le monde s’affairait, la tradition des deux couverts pour les invités imprévus était respectée. Et justement, la voix tonitruante de Théomer, le veilleur, résonna dans la rue : « Eh, vieux grigou ! Toujours aux affaires ? Il faut que tu refasses une santé à Cendre-Lame ! ». Derrière lui, Mira, la pisteuse, avançait discrètement. Ces deux-là, toujours en vadrouille, portaient avec eux le parfum des aventures lointaines. Murtoch, avide de récits, se précipita pour les accueillir. Alric souriait : il enviait parfois ces vies de dangers et de gloire, mais il se consolait en voyant la chaleur de son foyer.

La grande table fut installée près de la forge, dont la chaleur réconfortait en cette saison glaciale. L’odeur des chapons emplissait la maison, les dernières commandes étaient réglées, et enfin, tous se retrouvèrent autour du vin du Bordeleau, ce petit luxe qu’Alric offrait chaque année. Les rires fusaient, les anecdotes s’enchaînaient, Mira et Théomer en tête. La soirée promettait d’être belle. La musique et la joie résonnaient dans tout le quartier, jusqu’au feu d’artifice de minuit, bouquet magique offert par l’empereur-sorcier de Windmere. Les lumières éclatèrent dans le ciel, les couleurs dansèrent sur les visages émerveillés.

Puis, au milieu des gerbes d’or et des éclats rouges, une lumière différente apparut. Plus vive. Plus pure. Un rayon, d’abord fin comme une aiguille, perça les nuages. Il semblait descendre lentement, majestueux, presque beau. Les conversations se turent. Les regards se levèrent. Et soudain, le rayon s’élargit, devint un torrent incandescent. Le ciel s’ouvrit. Le blanc absolu engloutit tout. Plus de couleurs, plus de sons. Une seconde, peut-être deux. Puis la déflagration. Le souffle. Les cris. L’apocalypse. Les murs volèrent en éclats, le feu dévora l’air, les corps furent projetés comme des feuilles mortes. Les enfants hurlèrent, les flammes engloutirent les rires. Alric, hébété, n’eut qu’une pensée : les dieux avaient décidé d’en finir avec les mortels.

Le silence après le cataclysme n’était pas un silence. C’était un râle étouffé, ponctué de crépitements et de gémissements. Windmere n’était plus qu’un champ de ruines, une mer de pierres calcinées et de poutres noircies. Le rayon avait tout rasé, laissant derrière lui une cicatrice béante dans la terre. Le Cœur d’Acier, la forge d’Alric, n’était plus qu’un squelette fumant.

Alric titubait parmi les décombres, les mains écorchées, le souffle court. Chaque pas soulevait des nuages de cendres qui lui brûlaient les yeux. Il appelait, hurlait parfois, mais sa voix se perdait dans le chaos. « Firenne ! Lili ! » Rien. Juste le vent qui s’engouffrait dans les ruines.

Plus loin, Mira et Théomer s’acharnaient à soulever des poutres, des pierres calcinées, cherchant des signes de vie. Le paladin, le visage couvert de suie, soulevait des blocs comme si la rage lui donnait une force divine. Mira, les yeux rougis, fouillait méthodiquement, ses mains tremblantes. Et puis, un cri déchirant : la nièce d’Alric, agenouillée, pleurant sur le corps sans vie de Théviane. Ses sanglots résonnaient comme un glas.

Murtoch, les yeux rouges, fouillait à son tour, jetant des pierres, appelant sa tante, sa voix brisée. Il rejoignit Alric, et ensemble, ils retournèrent les décombres, encore et encore, jusqu’à ce qu’Alric s’arrête net. Là, dépassant d’un amas de gravats, une main. Une main qu’il connaissait mieux que la sienne. Firenne. Sa bien-aimée.

Le monde s’effondra une seconde fois. Alric tomba à genoux, incapable de respirer. Les dieux auraient mieux fait de l’emporter aussi. Car désormais, il n’était plus Alric le maître-forgeron. Il était Alric, le forgeron des ruines.