Varenne

Il y a de cela des éons, à une époque où les Dieux étrangers eux-mêmes foulaient Gahan et se mêlaient aux affaires des mortels, une guerre titanesque déchira la terre et les cieux. Zeus et Horus, séparés par leurs ambitions et leurs croyances, s'affrontaient dans un conflit d'une violence inouïe pour la récolte des prières, mais surtout des âmes. Ils étaient descendus en ce monde, avaient écrasé toute menace et exigeaient leur tribu. l'Olympe l'emportait.
Mais le conflit s'éternisait, les générations passaient. Ils avaient engendré des fils, des filles, élevé des héraults parmi les populations soumises mais toujours les enfants enterraient les parents avant d'aller eux-mêmes joncher le sol. Aucun sacrifice ne semblait suffisant pour assurer la victoire qui semblait si proche et la terre souffrait sous les coups, abreuvée du sang de ces demi-dieux.
De cette mêlée, infâme boucherie, plusieurs combattants se distinguèrent, principalement par le fait d'être toujours vivants le soir venu.
Parmi eux, une guerrière lionne du nom de Varenne se dressait, intrépide et fière. Née sous l'œil vigilant de Bastet, déesse égyptienne des chats, de la protection et de la guerre, Varenne était vouée à une grande destinée... Comme tous ces cadavres dans lesquels elle pataugeait.
Sa fourrure flamboyante et ses yeux émeraude ne brillaient pas d'une sagesse millénaire, mais d'une détermination farouche et sans faille. Sa force prodigieuse et sa longévité exceptionnelle faisaient d'elle une championne redoutable sur le champ de bataille. Armée de sa lance, un artefact capable de fendre les cieux et de déclencher la tempête, elle devint une légende vivante, crainte et respectée par ses adversaires... Puis on l'oublia.
À la fin de cette guerre cataclysmique, alors que les dieux eux-mêmes s'étaient lassé et avaient regagné leurs royaumes célestes, Il ne restait rien. Rien de la terre qui s'était fendue, rien des populations hurlantes qui avaient été englouties par un océan de flammes. Et rien du territoire à conquérir. La moisson était finie. Les quelques derniers combattants désœuvrés se regardaient sans se voir, l'âme en morceaux après ces décennies de tuerie. L'ennemi pouvait-il devenir autre chose ?
Nul ne fut récompensé pour leur courage inébranlable et leurs exploits héroïques. Les divinités, étaient parties, laissant leur marque indélébile sur les esprits et les corps, ou quelque sceau de soumission. Il n'y avait nulle place pour ces survivants dans ce monde qu'ils avaient détruit, ils n'étaient que les gardiens éternels de la mémoire et des cicatrices d'un conflit oublié. Certains refusèrent de poser les armes, mais la plupart se séparèrent sans même un regard.
Ils n'étaient plus que quatre. La porteuse de magie était en lambeaux, l'être calciné d'avoir canalisé l'insupportable fureur d'Isis qui avait ravagé le continent. Elle lévitait au gré du vent telle une coquille vide, irradiant alentour de ses orbites sans vie. L'obscur ne tarda pas à se fondre dans le néant, à la recherche de lui même. Ne restait que Tephren qui devait être le plus affecté, tant ce conflit absurde lui avait coûté, et qui maintenant se retrouvait abandonné de tous. Comme elle s'éloignait, Varenne vit sa silhouette vacillante se diriger vers les rangs ennemis qui n'étaient guère plus nombreux.
Elle se retira loin des intrigues divines et des querelles mortelles, sur un terrain où elle avait grandit et qu'elle avait toujours connu, à sa place : le Champ de bataille. Non loin d'Asgaard. Là où les échos des combats résonnent à travers l'éternité. Là, au cœur d'une forêt dense et silencieuse, elle vit dans les restes d'une tour qui ne menace que de s'écrouler, habitée par les vestiges d'un passé glorieux et sanglant. Elle attend patiemment que se présente celui qui méritera de la défier, que les lames puissent à nouveau danser sous la lune. Comme avec ce jeune Dieu, Goum. Chaque jour, elle s'entraîne inlassablement à la lance, même si elle n'a plus rien à perfectionner de son art martial, juste par discipline. Car la véritable grandeur réside dans la maîtrise de soi et la quête incessante de la perfection. Puissante, simple et farouche, elle incarne l'essence du combattant, veillant éternellement sur les champs des batailles oubliées, gardienne des mémoires et des histoires perdues.