Issa Kuende

Issa Kuende n’a jamais été du genre à rester en place. Dès son plus jeune âge, on pouvait le voir bondir de branche en branche dans la jungle entourant Ekundu Maji, défiant ses amis à des courses effrénées à travers les marais ou tendant des pièges improvisés pour leur voler la victoire à la dernière seconde. Toujours un sourire en coin, toujours une réplique moqueuse prête à fuser, mais jamais avec méchanceté – Issa aimait provoquer, mais plus encore, il aimait voir les autres relever le défi.
Son tempérament bagarreur n’était pas celui d’une brute, mais celui d’un stratège instinctif. Il savait que le plus rapide, le plus rusé et le plus audacieux remporteraient la victoire, et il appliquait cette philosophie dans chaque aspect de sa vie, que ce soit lors d’une escarmouche amicale ou dans la traque d’un prédateur dans la jungle.
Lorsque le conseil du village annonça qu’il faisait partie des initiés choisis pour rejoindre le Magaambya, Issa ne put s’empêcher de rire. Lui, un érudit ? Un maître en magie ? L’idée paraissait presque absurde. Pourtant, sous son masque d’insouciance, il savait que c’était une opportunité en or. Un nouveau terrain de jeu, un nouveau défi à relever, et surtout, de nouveaux adversaires – ou plutôt, de nouveaux camarades à défier.
Rejoindre les Tempest-Sun Mages fut une évidence. L’école de la bravoure, de l’audace, de la capacité à inspirer et à se tenir debout face à l’adversité ? Tout ce qu’il aimait. Mais il trouva aussi un attrait inattendu chez les Cascade Bearers, qui voyaient dans l’imagination et l’innovation une arme aussi puissante que la magie elle-même. Après tout, qu’est-ce qu’un combat si ce n’est une danse entre l’instinct et l’ingéniosité ?
Désormais, Issa Kuende est prêt à prouver qu’on peut être un combattant, un stratège et un mage à la fois. Avec son sourire moqueur et sa détermination sans faille, il compte bien montrer au monde que la force ne vient pas seulement des muscles ou des sorts – mais de la capacité à toujours avoir un coup d’avance.
Jeunesse
J’ai toujours su que Kalindi était différente. Pas dans le mauvais sens, non. Elle avait ce regard, cette façon de voir les choses, comme si elle entendait des mots que personne d’autre ne percevait. Moi, j’étais le bruit, l’énergie, la tempête qui refuse de s’arrêter. Elle, c’était le vent qui sait où il va.
On a grandi ensemble à Ekundu Maji, grimpant aux arbres, courant à travers les mangroves, testant nos limites comme si la jungle était un immense terrain de jeu. Moi, je lançais les défis, elle relevait ceux qui en valaient la peine. On formait une bonne équipe, même si parfois, elle levait les yeux au ciel en me voyant foncer tête baissée dans un nid de guêpes – au sens propre comme au figuré.
Et puis il y avait Dzinu. Lui, c’était comme une ombre qui ne vous lâche jamais. Presque nyctalope, toujours dans un coin, à observer, à attendre. Un rival, un frère, un emmerdeur de première. On s’est battus tellement de fois qu’on a dû finir par comprendre qu’aucun de nous deux ne lâcherait jamais. Les anciens du village, fatigués de nous voir nous cogner, nous ont collés avec les guerriers pour canaliser notre énergie. Ça nous a appris à nous battre mieux, mais ça n’a pas vraiment calmé notre compétition.
Avec le temps, c’est devenu une sorte de jeu. Une rivalité amicale où le but n’était plus juste de gagner, mais de pousser l’autre à être meilleur. Il n’avait pas ma force, mais il compensait par sa ruse. Moi, je fonçais. Lui, il traçait des plans. On s’est échangé autant de coups que de sourires, et à force, il est devenu une évidence dans ma vie.
Mais s’il y avait une chose qu’il aimait plus que notre petite guerre, c’était Kalindi.
J’ai toujours su qu’il la mettait sur un piédestal. Pour lui, elle était plus qu’une cousine, plus qu’une amie : une étoile, une divinité personnelle. Je crois qu’il aurait pu me détester pour le lien que j’avais avec elle, mais ça ne s’est jamais produit. Au contraire. Il a fini par m’aimer autant qu’elle.
Et puis il y a eu ce jour.
On s’était aventurés plus loin que d’habitude, là où la jungle devient plus sombre, plus silencieuse. C’est là qu’on l’a vu. Un léopard noir, immense, avec des yeux qui perçaient l’ombre comme des flammes. N’importe qui aurait fui. Pas nous.
J’ai serré mon bâton, prêt à me battre. Pas par folie, mais parce que je savais que Kalindi n’allait pas bouger. Elle le regardait, figée, pas de peur, mais d’un truc plus profond. Comme si elle le comprenait. Et lui, il nous observait aussi. Pesant quelque chose d’invisible. Il aurait pu attaquer. Mais il a juste disparu dans les ombres, laissant derrière lui une empreinte dans la boue.
Quand on est rentrés au village, le vieux chaman a vu cette trace et a souri, d’un sourire énigmatique que seuls les anciens savent faire. Il a dit qu’on avait été jugés, et qu’on avait passé l’épreuve. Que Kalindi était la terre qui canalise la tempête, et moi, la tempête qui ne s’arrête jamais. Je n’ai pas trop compris ce que ça voulait dire, mais ça sonnait bien.
Quand Kalindi a été appelée à Magaambya, c’était évident qu’elle y avait sa place. Ce qui l’était moins, c’était que moi aussi. Mais qu’importe. Parce qu’on a grandi ensemble. Parce qu’on a regardé la tempête en face. Et parce qu’on sait, mieux que personne, que parfois, le vent et l’orage ont besoin l’un de l’autre.