« Une Histoire de Famille » : différence entre les versions
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Version du 15 février 2025 à 20:05
Liens de sang...
Comme à l'accoutumée, la fillette avait fait un détour pour se planter devant la vieille bâtisse...
Au cœur de Korvosa, se dresse le noble manoir Zenderholm dont les murs se souviennent des bals et du faste des réjouissances quand le fier chevalier Mihaï Zenderholm avait épousé Anjaelia, la cadette de la famille Moldovan. Loin des considérations du peuple, la grâce envoutante du couple faisait tourner les têtes lors des réceptions, affichant l'insouciante insolence de la jeunesse sous les candélabres scintillants. Ces souvenirs imaginaires allumaient autant d'étoiles dans les yeux de la fillette. Seul le portrait de ses parents remisé chez son oncle attestait d'un passé désormais révolu. Le contraste était saisissant avec l'état dans lequel elle avait trouvé son père, encore aujourd'hui.
Si quelques membres maintenaient un statut digne de ce nom, la fortune des Zenderholm s'était depuis longtemps évaporée dans des rêves de colonisation et l'inconséquence des dernières générations. Auréolé de ses faits d'armes, Mihaï s'était installé un temps dans une région bucolique, au loin de l'agitation de Korvosa, pour y faire prospérer le domaine de Haute-Maison. Seule ombre au tableau, au fil des ans un certain vague à l'âme avait semblé affecter la santé d'Anjaelia. Elle se languissait des lumières, du faste des festivités, et fini par ne plus guère quitter sa chambre le soir venu. Les retours à la cité se firent plus fréquents, puis aux premiers signes annonciateurs d'un heureux évènement, définitif.
Au printemps, sa disparition subite plongea la maisonnée dans un profond désarroi et nul ne pu se réjouir des deux nouveaux nés trouvés sur les lieux. Deux jumelles qui avaient hérité du charme de leurs parents. Les murmures des salons feutrés parlaient d'une malédiction Shoanti, d'une magie noire qui l'aurait emportée, de son côté notoirement frivole qui l'aurait menée vers des cieux plus cléments ou des bras plus fortunés, les oracles restaient muets. Mais, armé d'espoir, Mihaï balayait ces rumeurs sans fondement et en devint obsédé par l'idée de retrouver son épouse bien-aimée.
Il retourna ciel et terre dans sa quête désespérée, s'abîma dans une frénésie inquisitrice dont les soutiens se détournèrent l'un après l'autre. Les mois puis les années passèrent sans plus de résultats. Prêt à n'importe quel sacrifice, il ne su que s'endetter auprès d'usuriers sans scrupules à des taux indécents pour recruter jusqu'aux pires mercenaires des ruelles. Nul ne sait si l'épave problématique qu'il était devenu obtint un début de réponse, mais la famille, ou les autorités, finirent par le confier aux bons soins du dispensaire de la Dame, apte à traiter ce genre d'affliction. Les dettes avaient fini d'éroder la fortune familiale, il ne restait nul serviteur, nulle maisonnée. Les jumelles avaient trouvé refuge chez leur oncle, en guère meilleure santé financière.

Au cœur de Korvosa, se dresse le noble, et autrefois resplendissant, manoir Zenderholm. Coquille vide aux sombres échos, morne et silencieux. Les jumelles ont grandi. Comme à l'accoutumée, la jeune femme avait fait un détour pour se planter devant la vieille bâtisse... Les étoiles ne s'allumaient plus dans ses yeux.
Anna ne savait se résoudre à accepter l'avenir que lui traçait le refus incompréhensible de l'Academae. "Trop instinctive", "peu orthodoxe"... Balivernes ! Sans Lucius, l'ultimatum de son oncle, qui voyait dans cette nomination le moyen de redorer le blason familial, l'aurait... non, les auraient vu proprement mises à la rue. A moins que l'oncle lui-même n'ai voulu s'acquitter des frais de scolarité et ait ourdi cet échec. Elle pouvait comprendre qu'il se soit lassé de ces bouches à nourrir, mais les années endurées à subir cette éducation nobiliaire aux cours de maintient au rabais, à exceller dans les matières académiques et couvrir les frasques de sa sœur ne pouvaient se conclure par ce quotidien insipide de lettrée pour assurer un loyer. Elle aurait maudit jusqu'à ses parents pour la précarité de leur situation, Morji semblait s'en accommoder. Elle, savait trouver des échappatoires, user des gens... et abuser des paradis artificiels.
Elle réprima un soupir en pensant à sa sœur qui l'épuisait autant qu'elle même l'enviait à savoir naviguer en ce monde trop peuplé. Elle s'y était essayée, avait pour ainsi dire adopté Lize, cette gamine des rues délaissée par sa mère, qui lui faisait quelques courses contre des leçons et un repas chaud. Elle s'était même surprise à éprouver une sincère affection pour la fillette qui lui renvoyaient un semblant d'image de ce qu'elle avait vécu. Ça aussi, lui avait été arraché. Comme sa propre mère, elle s'était volatilisée, mais tout semblait ici indiquer les méfaits d'un de ces malfrats des bas quartiers. Un de ceux qui avaient fini de saigner son père à blanc...
Aux regards suspicieux des passants, elle compris que sa rage intérieure lui avait encore tiré des larmes de sang, et desserra les poings pour les effacer d'un revers en maudissant ce corps aussi frêle que leur finances. Elle repris le chemin du collège.
Les étudiants du Theumanexus avaient appris à éviter la silhouette solitaire d'Anna-Maryllis Zenderholm, son regard dérangeant dans un visage trop pâle, ses recherches dans les archives poussiéreuses jusqu'à des heures indues, ses réparties acerbes empreintes d'une rancœur profonde, déplacées dans la bouche d'une novice. Du gâchis chez une si belle fille, de l'avis de tous. Même si les professeurs s'accordaient à dire qu'elle avait un don pour les arcanes, une affinité presque... surnaturelle. Sa jumelle, Maria-Morjianca, ne valait guère mieux. Les étudiants qu'elle aurait aguiché, au sortir des cours de sa sœur, pour les entraîner jusqu'aux ruelles mal famées des quartiers ouest rapportaient autant de soirées de débauche. Des tours de chant envoûtants faisant tourner les têtes, aux mélodies inspirées par des vapeurs suspectes, dans diverses tavernes enfumées. Pas des mauvaises soirées en soi, mais qui les avaient laissé hagards, et sans le sou. Il se dit que l'administration aurait prié sa sœur de couper court à ces pratiques, pour le bien du collège... et des finances de ses étudiants.
Ce qui ne se dit pas, ce sont les nuits partagées dans la modeste chambre qui leur tient lieu de manoir, les latrines sur le palier, les maigres repas, les riches toilettes défraichies et reprisées cent fois, les portes fermées des meilleures maisons. Ce qui ne se dit pas, ce sont les réveils moites au cœur de la nuit, quand la lune est pleine et que les drogues n'étouffent plus ces sombres murmures qu'elles entendent parfois, que la volonté seule ne suffit plus à faire taire ces chants sauvages qui semblent remonter du plus profond de leur âme. Qu'elles savent, dans le regard de l'autre, qu'elles se sont éveillées du même cauchemar sanglant, comme toujours.
Les cercles nobles, déjà prompts à les considérer comme les héritières déchues d'une lignée maudite, se disent que les dieux, dans leur cruauté capricieuse, se plaisent parfois à tisser des destins bien singuliers. Les ruelles connaissaient une vérité plus simple : Les charognards aux sourires acérés se repaissent du désespoir des faibles. La folie a son prix, et les Zenderholm l'ont payé en or et en sang. Mais au moins l'une des jumelles ne saurait se contenter de contempler l'héritage de cette déchéance. Les conteurs devaient se souvenir de ces évènements sous le nom de...

Les Désastreuses Aventures des jumelles Zenderholm...
Un peu de Botanique
à suivre...
Les Zenderholm de Korvosa (vers 980)